Au commencement, le premier visage

Publié le par (+ T.)

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Pas besoin d'expliquer mais juste de raconter l'origine. La mort de Soljenitsyne au mois d'août 2008. Dans la petite cuisine de l'avenue des lierres, à Avignon, je lis dans les journaux sa nécrologie, la solitude et l'isolement à la fin de sa vie. Une vie de dissident dont je ne savais rien hormis quelques bribes. Et puis l'envie de lire ses livres devient une habitude dans ma vie. Sans m'en rendre compte, je lis tout ce qui a pu être traduit en français. Puis je m'efforce de lire en russe ses articles, mais impossible, trop oublié de cette langue. C'est Helena qui me traduit, incroyable cadeau, tout comme les textes de Georges Nivat. Et maintenant que j'ai pu lire chacune de ses phrases publiées quelque part, écouté beaucoup sa voix dans le documentaire de Sokourov, c'est la proximité de son visage qui me manque. Comme si les traits du vieil écrivain souterrain s'effaçaient. Je voudrais empêcher ça. Dans les articles je découpe ses photos que j'emporte avec moi, comme marque-page pour ce cahier où j'écris. Entre deux tables, deux voyages en camion je pose la photo face à moi, et le 13 avril un passant reconnait le visage de l'écrivain, content de parler un peu du dissident qui l'a marqué, lui aussi. Petite conversation de trois minutes au café de la gare mais quand l'inconnu s'en va prendre son train, je fais la première photo du vieux visage sur la table, près de ma tasse de café, puis derrière la vitre d'un autre train. Je ne sais pas pourquoi, mais les jours qui suivront je ne penserai qu'à faire d'autres photos de l'écrivain, comme un hommage irrationnel à ses récits, une remémoration attentive et un peu fétichiste.

Photo © ( + T.)

Publié dans Alexandre Soljenitsyne

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